Gris-Vert
réalisé par Théo Michellod, Sven Kreihebühl
Les battants de bois irréguliers s’ouvrent encore avec précaution. Le verre est ondulé, les couches de vernis successives enrobant le cadre contrastent avec les tiges de métal rouillé et poreux. Au centre, la butée scinde ma vision en deux. Cela ne change rien au spectacle. Depuis le sol vert comme ses herbes mais jaune par ses mousses, des arbres croissent et se donnent rendez-vous dans le ciel. Les méandres des rivières de bitume mouillé les tiennent toutefois à distance. À gauche, un végétal à l’allure de vieillard semble lutter contre la puissance du ciel sous sa voûte immuable. Il s’élève mais toujours sera repoussé et pendra. Son voisin, lui, croit sans effort. Ses branches délicates chatouillent l’air sans jamais n’être fouettées par le vent. Les fines pousses des arbres ont démarré leur ascension vers l’été, en se tenant droites comme des jeunes plants et en vibrant tout de même au son du jazz qui jase de la fenêtre d’à côté. Ce tableau vivant nous prouve que chaque végétal peut swinguer au rythme de l’été qui s’annonce. Le ton grisâtre des cieux semble être accordé à son astre. Puis l’épine de molasse de la cathédrale surgit tel un soleil gothique des nuages de feuilles. Le gris ciel et le vert nuage sont omniprésents dans ce paysage. Mais si mon regard tombe, si la vue me fait oublier qu’il y avait 4 mètres qui me séparaient du sol, si la fenêtre est glissante, je peux constater maintenant qu’il pleut et que les branches ne dansaient pas, mais grelottaient de froid. Le macadam humide partage son territoire avec l'herbe, alors pourquoi gît-je sur le bitume moite et dur ? Je peux, grâce à cela, tâter avec mon doigt la mousse qui vole du terrain à la route de béton. Si le tapis de mousse se dépêche de croître, je pourrais sûrement être plus à l’aise.
Fribourg sous la pluie
Les cloches métalliques des vaches résonnent doucement et avec parcimonie, tandis que les oiseaux comblent les silences des cloches par leurs chants. Le bruit de la pluie tapisse ce dialogue. Ces doux timbres naturels essayent désespérément de se défendre face au vacarme de la circulation. Les voitures et les bus font taire la voix de la nature quand ils sont de passage. Vraiment, deux univers auditifs se font la guerre. Je m’attarde sur le paysage pour oublier le bruit des voitures. Un toit de bois sec contraste avec ce paysage humide qui se tient devant moi. Des fines gouttes glissent et tombent de la charpente pour s’écraser 5 mètres plus bas. Je peux percevoir une route de pavés usés par le passage. Plus loin, un arbre blanc fait sa loi dans le sentier. Aucun autre rival à tronc ose se mesurer à ses côtés. Une herbe verte jonche le sol que le végétal domine. Ces brins se mélangent aux fleurs jaunes et mauves. Un chemin de gravier blanc délimite le territoire de l’arbre de la même couleur, comme une frontière. Les arbres qui luttent afin de ne pas tomber dans la rivière donnent de l’ombre à la route. Un pan de roche recouvert de végétation triomphante surplombe directement la Sarine paisible, qui coule bleue comme de l’eau de peinture sans s’en préoccuper. Au-dessus, j’observe quelques maisons charmantes au toit pentu. Un escalier aérien avec ses pieds gracieux se tient flanc contre la paroi. C’est de là, en haut, que part le grand ouvrage gris qui impose ses enjambées régulières à la vallée. J’aperçois une coureuse courageuse et de nombreux bus routiniers, accrochés à leur câble qui les fait vivre. Proche du vide, les appartements mitoyens du Bourg se bousculent pour admirer la vue, avec leurs nombreuses lucarnes semblables à des jumelles. Verte au milieu du lumineux ciel comme enfumé de gris, la cathédrale trône avec sa couronne de plomb et me regarde d’en face de son long œil pointu. L’ambiance est fleurie et les couleurs vives, bien que l’eau marque l’atmosphère encore claire de son opacité.