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Hors du temps

réalisé par Nolan Hirshy, Daniel De Melo Gotoraye

Après que ses pas eurent résonné bruyamment dans les escaliers, ainsi que dans le couloir central, André arriva au milieu du troisième étage du premier bâtiment. À sa gauche, il apercevait un couloir se prolongeant dans l’obscurité. Devant lui, une table de bois massif, d’une couleur foncée, trônait au centre. Le bois défraichi présentait de nombreux stigmates dus aux longues années. Six chaises rouges l’entouraient. À l’extrême droite, un second couloir auquel s’adossaient les toilettes, dont le toit était un plafond cathédral très incliné, se terminait par une porte de bois clair.

Juste derrière la table, en face des toilettes et dans une rangée de vitrines, des animaux empaillés le regardaient de leurs yeux de verre. À l’extrémité, les mammifères dominaient ; un blaireau figé en pleine marche voyait son poil gris foncé prendre lentement la poussière. En hauteur, dans la vitrine adjacente, se trouvait un lapereau au pelage terne, baignant dans du formol aux côtés de ses congénères figés dans leur prison. Un peu plus loin, un pangolin se démarquait. Ses écailles de cuivre luisaient sous la faible lumière, sa longue queue traînait derrière lui et sa face avait été construite maladroitement.

Les yeux d’André se déplacèrent vers la gauche, rencontrant sur leur chemin l’espace dédié aux oiseaux. Un faisan doré se démarquait des autres volatiles. Ce dernier avait conservé sa splendeur : sa tête portait une crête blonde, tandis que sa nuque possédait un amas de plumes d’or et de nuit. Ses larges ailes colorées entouraient son corps terminé par une queue mouchetée. Au sommet, les ailes déployées, un rapace brunâtre surveillait les alentours. C’était une buse variable au poitrail massif, aux rémiges parsemées de taches blanches et aux serres meurtrières agrippant une branche. Sa position laissait entrevoir sa supériorité d’antan.

À angle droit, les reptiles prenaient la vedette. Sous le regard d’un python molure se noyant dans sa bouteille de formol, un tégu dressé sur sa pierre fixait les autres de son regard torve. Ses écailles pâles semblaient se méprendre avec un texte en braille. Ses griffes auraient gratté la roche s’il n’était pas rempli de paille.

La dernière vitrine exhibait les poissons et les amphibiens. Le brochet à la gueule béante, ou du moins ce qu’il en restait, derrière son pénitencier de dioxyde de silicium, fixait André de son regard vide. Pour finir, tout en bas, au centre, un crapaud commun figé dans du verre avait perdu l’espoir de revoir la lumière du jour.

Un havre de paix

Après quelques déboires, André sortit enfin des sous-bois et arriva dans un lieu qui resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Il se trouvait sur une berge sableuse, la rivière verdâtre laissant filer son eau devant l’imposante falaise de molasse. Des arbres avaient poussé par-ci et par-là, laissant filtrer le peu de lumière à travers leurs branches, tandis que la pluie drue rendait le tout gris.

Le sable ainsi que des touffes d’herbes éparses entouraient le défunt feu de camp. Des rochers parsemaient le sol, quelques branches également. Non loin des rejetés de la Sarine, la surface de l’eau se manifestait. Troublée par les nombreuses gouttes, elle continuait lascivement son chemin vers l’Aar. De timides blocs de roche pointaient leur nez en dehors de l’eau. Un amas de ceux-ci formait une masse recouverte de mousse et de petites plantes vertes. Des troncs d’arbres arrachés par les intempéries reposaient à demi-mort dans l’eau.

Il y avait dans cet espace un élément qui attira particulièrement l’attention d’André. Un arbre séparait la falaise en deux parties égales. Il présentait des fleurs d’un blanc pur, rivalisant avec celui du marbre. Ces fleurs chantaient le retour du printemps. Il était resplendissant. Les arbres à ses côtés n’avaient pas hérité des mêmes caractéristiques. De l’écorce, c’était tout ce que Mère Nature leur avait attribué.

La falaise de gauche était une imposante masse de molasse. D’un gris pâle, elle montait en escalier ; semblait avoir des couches successives. Des arbres nus se dressaient sur chaque marche, des cicatrices au tronc et aux frêles rameaux. Ils se battaient contre le vent, prêts à tout pour leur survie.

À droite, la molasse était affalée sur elle-même. Sur son flanc, une tache grise la marquait à jamais. Plus verte que sa compagne, une quantité de mousse égayait les lieux. Certains arbres, bien que squelettiques, disposaient de feuilles vertes et vivantes.

Le vent et la pluie soufflaient sur les lieux, le rendant à la fois morne et vivant.