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Voyage temporel

réalisé par Anaïs Duc, Laura Sanchis, Lara Akladios

Cet endroit était pour moi une bulle de réconfort, pourtant, ce décor d’épouvante n’avait rien de rassurant pour ceux n’y étant pas initiés. L’entrée n’était possible que lors de la ronde du despote, où celle-ci restait non gardée. Une fois la porte passée, se posaient sur les voyageurs inexpérimentés des milliers de regards plus glaçants les uns que les autres. Aux extrémités, deux portails qui menaient vers une autre époque dominaient le paysage. Des reliques d’anciens temps agrémentaient les pérégrinations aventureuses, puis de dangereux animaux sauvages et mythiques trônaient sur leur colline boisée, signe de leur puissance écrasante. Cette colline, emplie de savoirs et de sagesse, était source d’enseignement pour le maître des lieux. À l’opposé se trouvait un spectre pharaonique au regard rempli de concupiscence. À ses côtés, Anubis le protégeait avec une ferveur telle, que seul le maître pouvait le mettre à genoux. Toutankhamon se tenait fièrement debout de sa jambe courte, posé au-dessus d’une roche de diopside star usée par les années. Des hiéroglyphes étranges faits d’argile parsemaient cette immense masse rocheuse. La légende raconte que quiconque parviendrait à les déchiffrer obtiendrait la gloire éternelle. Placardés contre des chênes sinueux, d’anciennes victimes surveillées par Dracula, l’assistant du despote, vous incitaient à fuir tant que le temps le permettait encore. Une marée trouble empestait les lieux, ces eaux faisaient office de fosse commune, tombeau des voyageurs intrépides et audacieux. Si par malheur la fosse était pleine, le miséreux se voyait contraint de séjourner à la frontière de deux univers, si proches tout en étant si éloignés. L’oxygène s’y faisait rare et les mouvements étaient restreints, car le passage avait été condamné il y a fort longtemps. On pouvait encore entendre les cris d’agonie du dernier condamné, rappel de ne point baisser sa garde dans ce milieu hostile.

Ces lieux mystérieux et inquiétants s’étaient retrouvés sans leur maître depuis que ce tyran fit une chute dans les degrés de sa pyramide malveillante et anarchiste.

Tas d'ordures

En entrant par cette porte tournoyante, nous arrivâmes dans un nouvel univers. Des allées entières de déchets couvraient l’horizon. Ce mélange de crânes et d’ordures accablait mon esprit. Ces détritus putrides s’entremêlaient d’une façon étrangement harmonieuse, faisant pourtant un boucan d’enfer. Le peu de couleur qu’il y avait était fade et délavé, les seuls sens requis étaient donc l’ouïe et l’odorat. Le cantonnier avait assemblé les déchets de cette manière si intrigante pour passer le temps. Il se tenait fièrement aux côtés de ses créations si artistiques pourtant décrites comme puériles et laides. À sa gauche, une jante noircie par le temps reliée par un mécanisme avant-gardiste faisait s’activer une arme blanche dont le tranchant était rongé de rouille. Le bruit qu’elle produisait était semblable aux cris de désespoir de cinquante mille hommes, effrayant à son passage tous les visiteurs de cette auto-proclamée exposition d’art. À sa droite, un crâne de vache s’actionnait à intermittences régulières, donnant l’impression d’un rire gai. Cette structure était composée de métal défraichi et fragile, un simple souffle pourrait réduire toutes ces heures de travail en un simple tas d’ordures. Tout au fond, de multiples bruits stridents se superposaient, attirant mon attention. J’avançai vers le fond de la salle, passant devant un tableau qui sortait de son cadre. Il représentait une cathédrale avec, en son centre, un trou dont émergeait un crâne humain. Des roues ornaient ses tours et, sur son sommet, se dressaient des chérubins. Sur le côté, un tronc d’arbre se dressait peu fièrement, surplombé par des rouages et appareils électroniques divers. J’arrivai enfin devant le sujet de mon intérêt, l’œuvre la plus conséquente et la plus colorée de toutes. Formée de roues de différentes tailles, de lumières et de jouets d’enfants, tout cela mêlé à sa pollution sonore rendait nostalgique. Des images d’enfance, de rires et de pleurs émanaient de ce tas d’immondices, et alors je compris enfin que ce que je méprisais n’était point que de la saleté, mais de l’art avec un grain de folie.